Vous savez, c’qui est compliqué avec le temps, c’est qu’après plus de 4100 articles à mon actif, j’ai du mal à aligner un paragraphe sans me dire « mais j’leur ai déjà dit ça ! ». Alors oui, la Venturi 400 Trophy, j’vous en ai déjà causé. Mais en même temps, quand tu tombes sur une Venturi 400 Trophy, t’as du mal à la laisser passer. Alors vous savez quoi ? On va remettre une couche !

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A la base, la Venturi 400 Trophy n’a rien à voir avec une quelconque tentative d’aller chercher des noises aux Ferrari F40, Porsche 959 ou Lamborghini Diablo. Elle aurait aussi pu être un objet rêvé et servir de promotion pour un fabricant spécialisé dans l’injecteur automobile ou le turbo. Mais non.

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Nous sommes en 91, Stephane Ratel débarque chez Venturi avec un projet en tête. Ratel, c’est un passionné de sportives radicales et de supercar, avec un carnet d’adresses de pilotes et de gentlemen racers plus que fourni. Il propose alors à Venturi de développer une voiture spécifique et d’y associer une formule monotype à l’image de ce qu’avait fait BMW avec la M1 Procar ou Porsche avec la Carrera Cup.

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Chez Venturi, on a cassé la tirelire l’année précédente en emménageant dans une nouvelle usine de 5500 m2 située à Couëron. Et pour ne rien arranger, la marque est sur le point de racheter 65% de l’écurie Larrousse F1 à deux doigts du dépôt de bilan. Pourtant, malgré ces investissements et un compte quasiment vide, Venturi accepte la proposition de Ratel.

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Histoire de maitriser les couts, l’équipe va reprendre le châssis poutre de la Venturi 260 si ce n’est qu’il va être renforcé et allégé. Si les trains roulants conservent leur architecture (double triangulation à l’avant et multibras à l’arrière), l’empattement est légèrement revu à la hausse, les voies sont élargies et la mise au point et réglages sont entièrement revus par le spécialiste français Jean-Philippe Vittecoq à qui ont devra entre autres, les réglages de la Bugatti EB110 et de l’Edonis.

Au centre, on retrouve le bon vieux V6 PRV 3.0 l revu par les sorciers de chez EIA. Pas des plus modernes, mais aussi robuste qu’un char Leclerc, il encaisse sans broncher l’arrivée des deux Garrett qui viennent lui souffler dans les bronches pour lui faire passer la barre des 400 ch. Deux échangeurs positionnés à l’entrée des ailes arrière (d’où les prises d’air XXL) se chargent de les gaver en air frais. La gestion est réalisée spécifiquement pour lui. La transmission sera d’abord confiée à une boite manuelle Renault, remplacée rapidement par une Sadev 5 rapports à crabots. Les Michelin MXX3 de 285/35 ZR 18 (235/40 ZR 18 à l’avant) doivent faire passer 407 ch et 53 mkg sur l’asphalte, en composant avec un caractère ON – OFF. Autant vous dire que l’engin était réputé pour se la jouer brutal, même si un différentiel à glissement limité garantit une motricité digne d’une ventouse. Il n’empêche que les premières Trophy seront bridées à 320 ch, le temps pour les pilotes de se faire la main mais surtout vérifier la fiabilité du gazier. En cas d’excès d’optimisme, la Venturi 400 Trophy peut compter sur une freinage avec des disques carbone (une première) mordus par des étriers 4 pistons Alcon.

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Avec un tel ramage, Ratel va se charger d’y offrir un plumage en conséquence. Il a compris depuis longtemps que sur ce genre d’engin, le look est tout aussi important que la fiche technique. Pour ce faire, il demande à Gérard Godfroy (designer et copropriétaire de Venturi) de tracer des lignes inspirées par la référence de l’époque, la Ferrari F40. Les hanches, l’aileron, la gueule impressionnante, c’est un sans faute. Et si certains crieront au copier – coller, il vaut mieux copier une F40 qu’une Lada Samara !

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La carrosserie est réalisée en carbone, kevlar et fibre pour les boucliers avant et arrière. Les vitres latérales sont en polycarbonate avec ouverture coulissante. Les pop-up ont été sacrifiés au profit de phares fixes sous plexi. Dans l’habitacle, c’est la même messe. Si le tableau de bord de la 260 a été conservé, le bois a laissé sa place à du carbone et les éléments de confort sont aux abonnées absents… en dehors des rétros élec. Bien entendu, la Trophy n’est pas là pour se la jouer sur la croisette. A bord, c’est baquets, harnais, pédalier alu et… 50° minimum !

Il n’empêche qu’au final, elle affiche un poids plume de 1100 kg, de quoi pulvériser le 0 à 100 en 4 secondes, de passer le 400 m 12,3 et le kilomètre en 21 avant de filer à 300 km/h (surement dans la ligne droite du Mistral au Castellet).

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Qu’on ne se méprenne pas, la Venturi 400 Trophy n’est pas – encore – une supercar mais une pure pistarde, sans compromis. En janvier 92, elle est dévoilée au palace Hotel de St Moritz. Les clients fortunés invités n’ont plus qu’à signer pour le programme Gentlemen Drivers Trophy. Chacun n’a à se soucier de rien, si ce n’est se rendre sur le circuit et piloter. Tout le reste est géré par Venturi. 30 pilotes vont s’engager le jour de cette présentation.

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Quelques jours plus tard, le Venturi Challenge est présenté aux journalistes en même temps que la F1 Venturi – Larrousse. Au mois de mai, 32 voitures sont alignées sur le circuit du Castellet pour une prise en main, pour le moment, elles sont bridées à 320 ch. Un mois plus tard, la saison 92 du Venturi Challenge est lancée sur le circuit Bugatti au Mans. Il faudra attendre la 4ème épreuve sur le circuit de Monthléry pour voir les Venturi 400 Trophy shootée à 407 ch.

La formule est un succès. De quoi donner l’idée à Venturi de proposer en option, un kit civil… Si la Venturi 400 Triphy coute 705 000 Frs, pour 100 000 Frs supplémentaires, le pilote peut s’offrir un kit permettant d’adapter mais surtout d’homologuer la Trophy à un usage routier. C’est l’une d’elles qui vous pique la rétine depuis le début de cet article.

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Passée en mode civil, elle a juste troqué le freinage carbone – qui nécessitait d’être constamment à température pour être réellement efficace – contre des disques rainurés et des étriers AP Racing, plus adaptés à un usage routier. Dans l’habitacle, elle n’a rien perdu de son ADN de pistarde. Baquets carbone OMP, harnais Turn One, arceau, extincteur, collection de fusibles et de commutateurs, coupe circuit, manos et instru VDO et chrono MyChron. Oubliez l’indicateur de vitesse, la jauge à carburant ou le klaxon… c’est inutile sur un circuit !

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Le Venturi Challenge va connaitre 4 saisons de 92 à 95. La marque va assembler 73 Trophy… seulement 10 passeront à la route. Mais boostée par ce succès, la Venturi va compléter son offre en 94 avec l’arrivée de la 400 GT, évolution réellement civile de la 400 Trophy, du moins avec « vrai » habitacle dans lequel on retrouve des vitres élec, la clim, des baquets en cuir et une sono. Seulement 15 GT seront produites. En parallèle, Venturi va « recycler » 9 de ses Trophy en 500 et 600 LM pour les aligner en GT et en endurance. En 95, en proie à des difficultés financières, l’aventure Venturi va être mise en stand by avant d’être rachetée en 2000 par Gildo Pastor qui la fera passer à l’électrique…

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© Nikes via BaT & Venturi média