Elle ne fait « que » 235 ch ! Ne chausse qu’en 17’ et un novice qui la croiserait sur la route pourrait croire qu’elle se rend à un concours tuning sur le parking du supermarché du coin ! Pourtant, la Mercedes 190 Evo 2, version énervée de la 2.5 16, elle est pas là pour rigoler, au contraire… son truc à elle, c’était la course, la course et éventuellement, s’il lui reste du temps, la course !
Quand Υade, notre serial shooter basé dans le nord, m’a contacté pour me dire qu’il allait avoir du lourd avec cette magnifique 190 2.5 Evo II, et connaissant depuis longtemps la qualité de ses clichés, j’ai pas vraiment hésité longtemps. Mais avant d’en arriver à ce monstre étoilé bodybuildé, il nous faut revenir au départ et à cette Mercedes 190 qui finalement allait changer beaucoup de choses pour la marque allemande.
Jusqu’au début des 80’s Mercedes, c’était la marque des retraités fortunés en villégiature sur la côte d’Azur. Pas de fioritures, ni de pompelup. Du sérieux, du luxe, du confort, bref, du chiant ! Même si ça permettait de briller au firmament des berlines allemandes. Il n’empêche qu’à Stuttgart, du haut de leur tour d’ivoire, les pontes de la marque étoilée commencent à se dire qu’il serait peut être pas mal de rajeunir un peu les produits parce que pendant ce temps, les jeunes préfèrent rouler en BMW ou en Audi plutôt que dans un Mercedes.
On décide donc de rassembler toutes les têtes pensantes du navire, marketing, service produits, S.A.V, commerciaux et même Roland le petit stagiaire, parce que Roland, y’a pas mieux que lui pour ouvrir les bières ! Le directeur va alors être clair : « Che foudrai que fou me troufiez la solussion pour fendre nos foitûres aux cheunes alleumands. Ach Roland, fa cheurcher du sôcisson et des pières vraicheus, la nuit fa êtreu lonke. Pour le sôcisson, teu prends du a l’ail. Und schnell ! Les ôtres, vous groupir ici tant ke fous n’ôré pas troufer d’itée ! ». Enfin, on n’a pas réellement de document attestant, mais grosso modo, ça se serait passé comme ça… C’est Rolland qui nous l’a raconté ! Quoiqu’il en soit, après des litres de bières fraîches et plusieurs kilos de saucissons à l’ail, tous ont fini par se dégroupir de la salle de réunion, fier d’avoir pondu le projet W201 qui allait devenir à partir de décembre 82, la Mercedes 190.
Une berline trois volumes compacte, dessinée en interne par Bruno Sacco qui va tracer une ligne élégante, aérodynamique et sportive pour aller séduire une clientèle plus jeune que celle qui fréquentait habituellement les show room de la marque. La première berline familiale accessible venait de voir le jour chez Mercedes. Et pour pousser le concept au bout du bout, on allait mettre tout ce qui pouvait rentrer dans le paquet cadeau, ABS, airbag, sécurité active et passive, avec des options à gogo. Sous la robe, cette propulsion proposait un châssis à la pointe de la technologie avec un train arrière multibras qui associait confort et comportement dynamique. Enfin sous le capot on retrouvait deux 4 cylindres 2.0 l le premier gavé au carbu pour 90 ch et le second, alimenté à l’injection pour 122 ch, suivi rapidement d’un mazout. Bon, tout ça c’est bien, mais niveau dressage de poil, y’a pas de quoi se mettre en appétit.
Il faudra attendre novembre 1982 pour voir notre petite 190 commencer à se dévergonder avec l’arrivée de la 190 2.3 16 avec son 4 cylindres ensorcelé chez Cosworth, sa boite Getrag inversée avec la première en bas à gauche, son châssis digne d’une sprinteuse avec un différentiel autobloquant et ses 186 ch pour un physique d’athlète. Le projet d’un modèle sportif avait été lancé dès la présentation de la voiture pour être homologuée dans le nouveau Groupe A qui impose de fabriquer 5000 exemplaires routiers sur 12 mois consécutifs. Une fois le ticket d’entrée décroché, il est possible d’homologuer une évolution, à partir du moment où là encore, elle découle d’un modèle routier commercialisé lui, à seulement 500 exemplaires.
Il n’empêche qu’auprès de la clientèle habituelle, c’est la folie dans le service gériatrie ! La 190 2.3 16 accuse seulement 1220 kg, passe la barre des 100 km/h en moins de 8 secondes et part caler l’aiguille du tachi’ à 230. Un pedigree qui ne va pas manquer de choquer les esprits des coincés du sphincter qui la jugent bien trop provocante par rapport au statut de l’étoile qu’elle a au bout de son capot ! Mais cette réticence aura finalement autant d’impact qu’un son et lumière dans une Tena. Comme quoi, rajeunir et changer la donne, même si ça frustre les « anciens », ça ne fait jamais de mal (tiens, ça me rappelle un autre magazine ça…).
Quoiqu’il en soit, une fois la voiture prête pour aller chasser les victoires, Mercedes fait son retour en compétition en 1986 et engage sa 190 2.3 16 en DTM. Mais les saisons vont s’enchaîner sans que la marque de Stuttgart ne réussisse à toucher les étoiles. Au contraire, elle voit passer les titres qui filent chez les concurrentes ! 86, Kurt Thiim sur sa Rover Vitesse et BMW chez les constructeurs. En 87, c’est au tour d’Eric van de Poele d’offrir le doublé pilote – constructeur avec sa BMW M3. L’année suivante, Klaus Ludwig rafle le titre pilote sur sa Sierra RS500 pendant que BMW ajoute une troisième perle constructeur consécutive à son collier. Pour la saison 89 le règlement change, les cylindrées passent à 2,5 l et chez Mercedes on se met au niveau. La 190 2.5 16, plus puissante et coupleuse entre en piste sauf que l’histoire devient maintenant une question de fierté, celle d’aller enfin récupérer au moins un des deux titres. Mais une fois encore, au terme de la saison BMW s’offre le doublé avec Roberto Ravaglia au volant de sa M3. L’année suivante, Mercedes abat son atout « Evolution » en développant et commercialisant 502 Evo I avec un pare-choc en trois parties équipé d’un spoiler plus proéminent. Les ailes reçoivent des élargisseurs afin d’accueillir des jantes en 16’’ plus larges. Un aileron légèrement plus haut a poussé sur le coffre et les suspensions sont désormais pilotées et réglables par le biais d’une molette située à gauche du volant. Enfin sous le capot, le 4 cylindres perd un peu de cylindrée mais gagne des tours et des watts pour passer à 205 ch à 6750 ch avec une inertie quasi inexistante. Ah là ça rigole plus ! La saison 90 débute et l’Evo I est prête pour aller tout casser sur circuit… Enfin, tout sauf les titres, puisqu’une fois encore, ils lui passent sous l’étoile pour filer du côté d’Hans-Joachim Stuck sur son Audi V8 Quattro et du côté de chez BMW qui au passage, remporte son septième titre constructeur consécutif, en fait tous depuis la création du championnat. Non franchement, chez Mercedes, on en avait plein la culasse !
Pendant que l’Evo I faisait son maximum sur la piste, chez Mercedes, on avait déjà décidé de sortir une version ultime, la « warrior » de la 190… Une bête qui allait se charger de régler les comptes et de montrer que la patronne, ça pouvait aussi être elle. Pour cela, Mercedes va mettre ses meilleurs ingénieurs sur le coup et de là va naître la 190 2.5 Evo II, qui sera officiellement présentée au salon de Genève 90. 502 exemplaires routiers vont voir le jour, sans aucune concession, juste dans le but d’en faire un monstre pour la piste.
Ainsi, le 2.5l est revu en profondeur, et sort 235 ch perchés tout là haut à 7200 trs, sachant qu’une fois débarrassé de ses quelques bonnes manières, il est capable d’aller prendre des tours, beaucoup de tours. En tout cas sur la route, elle flirte avec les 7 secondes pour passer la barre des 100 km/h, shoote le kilomètre en moins de 28 et file sur la file de gauche de l’autobahn à 250 maxi. Au niveau du châssis, le différentiel est devenu électronique (depuis l’Evo I en fait), elle roule 45mm plus bas et reçoit un correcteur d’assiette. Les suspat’ sont plus fermes, et le freinage gagne en taille, sacrifiant ainsi toute notion de confort. Un comble pour une Mercos, mais on s’en fout, on est là pour gagner ! Et du coup, on n’hésite pas à le montrer car visuellement l’uppercut est là. La 190 2.5 16 Evo II pourrait faire passer une Sierra RS500 pour un taxi ou une M3 Sport Evo pour une familiale bien sage ! Le kit ne cherche pas à cacher les prétentions du monstre, bien au contraire. Les extensions d’ailes ont fait de la muscu, la lèvre avant est tombé amoureuse d’un chasse neige, l’aileron XXL réglable a de quoi rendre jalouse une Groupe B, les jantes s’affichent en 17’’, bref le package a de quoi faire peur aux enfants. Sans son pedigree, on la croirait prête pour un rasso chez Norauto ! Mais le niveau qu’elle affiche est bien au-delà et le constat est sans appel, un bloc rageur, une gueule de bête de course, un châssis tip top, il n’en fallait pas plus pour faire entrer la 190 2.5 16 Evo II dans le monde des caisses jubilatoires et désirables…
Bon, pour être franc, quand elle est apparue sur le marché en 90, Mercedes a eu du mal à écouler le stock. Vendue plus de 460000 F, on pouvait se payer deux R21 2l turbo pour le même prix. Moins évoluée, mais tout aussi performante, car la 190 accusait presque 1T500 sur la balance. Soit 300 kg de plus que la sportive au losange. Il n’empêche qu’aujourd’hui, l’Evo II est un pur collector qui se vend désormais aux enchères et dont les plus beaux modèles dépassent les 200000 €. Dire qu’il y a encore une grosse dizaine d’année, on en trouvait entre 30 et 40000 €…
Et au fait, en DTM, qu’est ce que ça a donné ? Eh bien Mercedes a gagné son pari. L’Evo II débarque pour la saison 91 avec son 2.5 l boosté à 373 ch à 9500 trs et 300 Nm à 7750 trs. A ce niveau là, il nécessitait d’être entièrement refait tous les 600 km, une opération qui coûtait 12000 € par moteur. Il n’empêche que si Frank Biela (Audi V8 Quattro) remporte le titre constructeur, Mercedes repart enfin avec celui des constructeur, mettant fin à l’hégémonie des BMW M3. L’année suivante, l’étoile remporte les deux titres avec un triplé pour ses pilotes Klaus Ludwig, Kurt Thiim et Bernd Schneider. En 93, la nouvelle réglementation du DTM voit également l’arrivée de la remplaçante de la 190, la Classe C. Mais ceci est une autre histoire.