Quand t’as l’occase de tomber sur un coupé Toyota Corolla GT Levin type AE86 (c’est son petit nom!), tu peux pas trop le laisser passer. Puis y’a eu Sylvain… nos regards se sont croisés et une belle histoire a pu commencer. Heu calmez vous, je ne parle que de sa voiture !

Toyota AE86 : L’Hachiroku de Sylvain Fujiwara ! 1

Ce coupé Toyota c’est une légende dans le milieu du drift. D’apparence tranquille, c’est au volant d’une AE86 qu’en 1987, Keiichi Tsuchiya allait devenir Drift King, en tortillant l’arrière train du coupé nippon avec son pied droit en guise de chef d’orchestre. La vidéo « Pluspy » voit le jour et le drift devient une religion au Japon. Huit ans plus tard, quand le jeune Takumi Fujiwara part livrer son tofu en empruntant les routes tortueuses du mont Akina c’est encore au volant d’une AE86 avec laquelle il en profite pour ruiner toutes les voitures qu’il va croiser. En 97, quand Gran Turismo débarque sur les écrans, l’une des premières voitures que l’on peut s’acheter, c’est une AE86 ! Nous sommes donc à la fin des années 90 et les fans de petites propu sportives découvrent le coupé japonais… qui accuse pourtant déjà 15 ans !

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Car le coupé Toyota Corolla GT a bien été vendu en France. C’était au début des années 80 et il faut reconnaître qu’à l’époque, sa commercialisation sur notre territoire était totalement castrée par des quotas imposés. En effet, les méchants constructeurs japonais avec leurs voitures fiables, suréquipées et modernes faisaient alors peur à notre bonne vieille Europe si conservatrice. Le gouvernement de l’époque n’avait alors rien trouvé de mieux que d’instaurer des quotas à l’importateur, le groupe Sonauto. Ainsi, il valait donc mieux importer des modèles « faciles » à vendre, plutôt que de la sportive en manque d’image et d’identité … Non pas qu’une AE86 soit mauvaise, mais les clichés sont tellement ancrés dans notre beau pays, que les références se font avant tout sur l’image. Malgré un prix attractif, le passionné sportif continuait de se tourner vers Alfa, BMW, Peugeot, Renault et les autres. Un protectionnisme européen doublé d’une louche de chauvinisme ont donc rendu au coupé Corolla GT une carrière élitiste, puisque Toyota France distribuât quelques 265 exemplaires en 4 ans (de 83 à 87) ! Tu peux laisser le champagne au frais. Surtout qu’en arrivant sur notre continent elle avait troqué  les pop-up de la version Trueno, par des phares fixes, pour devenir la version Levin. Sachant qu’au delà de ça, la magie des différents marchés européens fit que notre pays, ainsi que l’Espagne et le Portugal se contentèrent d’un coupé 3 portes hatchback alors que l’Allemagne, les Pays Bas et la Belgique eurent droit à un coupé 2 portes. Comme on dit au sentier : « Si tu laisses pas sa chance au produit… ».

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Autant vous dire que si on prend en compte les modèles coursifiés, ceux qui ont du finir autour d’un platane, ceux qui doivent pourrir au fond d’une casse ou d’un terrain vague, trouver une AE86 en France est aussi compliqué que de trouver un jeune capable de tenir encore debout, une fois passé les 23 heures dans une soirée d’étudiants. Heureusement, il reste nos voisins européens et la magie de l’import, puisque certains n’hésitent pas à se la jouer comme Takumi, avec le volant à droite ! Mais ne vous attendez pas à la payer le prix d’un plateau de sushis… La demande ayant dépassé l’offre depuis belle lurette, la côte du coupé Corolla a littéralement explosé.

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Mais pourquoi un tel engouement ? Au delà du fait que les japonais en aient fait un icône du drift, la Corolla affichait quand même un sacré tempérament. Déjà elle était bien née, posée sur un châssis développé aux p’tits oignons. Puis à une époque où les GTi passaient les chevaux au sol via les roues avant, Toyota préférait miser sur la propulsion, accompagné d’un autobloquant, gage de sportivité. Un freinage sérieux associé à un poids de moins d’une tonne et notre AE86 savait se montrer efficace et docile, tout en restant joueuse (très joueuse) sans pourtant devenir piégeuse. Il n’en fallait pas plus pour que la magie opère. D’autant plus que sous le capot, on retrouvait un gazier d’anthologie. La 4A-GE « Blue Top », un 4 cylindres 1,6 l double arbre 16 soupapes, gavé par un injection électronique pour envoyer 125 ch aux roues arrière. Puissance modeste, mais gros caractère pour un bloc qui ne rechigne pas à la tache et fait preuve d’une hargne féroce pour se lancer à l‘assaut de la zone rouge, à plus de 7000 trs. Et pour ne rien gâcher, la fiabilité made in Toyota en guise de bonus.

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Quoiqu’il en soit, celle de Sylvain est sortie d’usine en 84 et c’est un des rares modèles d’origine française, ‘scusez du peu. Sylvain à même remonté l’historique puisqu’il sait que sa voiture a été vendue neuve par le garage Toyota Degeneve en Haute Savoie, qu’elle n’a pas bougé de la région jusqu’à ce qu’il l’achète en 2020, qu’elle était bleue et qu’elle est devenue blanche il y a une quinzaine d’années. C’est à ce moment là que son ex propriétaire a eu l’idée de la modifier pour faire une peu de montées historiques. La voiture va alors être totalement vidée, mais vidée voyez… ne restait plus que le tableau de bord et un siège. Par contre, la caisse avait été équipée en mode rallye, capot noir satiné, baquet et volant Sparco, collecteur inox avec ligne complète HKS, admission directe, combinés filetés D2 Racing réglables, barres antirapprochement avant et arrière, 1/2 arceau, short shifter Techno Toy et pour finir le tableau, un pont autobloquant Kaaz 2 voies. 12 ans et moins de 2000 km plus tard, elle rejoignait le garage de Sylvain, qui en rêvait depuis qu’il l’avait découvert en jouant à Need For Speed Underground 2.

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La base était bonne, d’autant plus qu’entre temps, l’aura de l’AE86 n’avait cessé de grimper. Sylvain décide alors de la reciviliser… enfin, de lui donner cet esprit Touge, tout droit venu du Japon et de la fin des 80’s. Il y installe deux baquets Bride Zeta, un volant Nardi, une console centrale, des ceintures et… l’obligatoire porte gobelet. Aux quatre coins, on retrouve des jantes SSR Longchamp XR4 en 14’’ chaussées en Nankang NS2-R en 185/60. Rien d’ostentatoire… Sylvain a parfaitement respecté l’esprit recherché. Le style est d’époque, le moteur respire mieux, chante mieux, le châssis est optimisé, tout comme la motricité. C’est un sans faute.

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Mais la touche finale, on l’a une fois derrière le volant. Retour vers le passé, ça hurle, ça marche, ça vit. Les sensations sont omniprésentes prouvant, une fois encore, qu’il n’y a pas besoin d’avoir des milliers de chevaux pour se régaler et prendre du plaisir, d’autant plus avec presque 900 kg à mener. C’te caisse, c’est un pur concentré de plaisir à chaque kilomètre que vous parcourez à son volant. Et plus vous accélérez le rythme, plus elle se transforme en nectar. Tout est cohérent, et si vous voulez aller jouer avec ses limites, elle vous demandera d’abord de lui montrer ce que vous savez faire, mais encore une fois, sans chercher à vous effrayer. On comprend aisément pourquoi les japonais en sont fous, pourquoi elle a cette image et pourquoi Takumi est devenu le King d’Akina… Et ça, ce n’est ni Sylvain, ni Bunta qui diront le contraire.

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