Vous voulez une mal aimée ? Alors v’là la Ferrari Mondial. Autant dire qu’elle n’a pas eu une vie facile… une sorte de protozoaire mécanique, le truc à filer la dysentrie à un amoureux du cheval cabré. Mais il y a les autres, ceux qui savent regarder au delà des clichés sans tomber dans les préjugés. En même temps faut reconnaitre qu’on ne lui a pas simplifié les choses…

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Si Enzo Ferrari avait choisi le cheval pour emblème, c’est surement parce qu’il était aussi têtu qu’une mule ! Et à Maranello, pour lui faire changer d’avis, t’avais intérêt à avoir de l’argument. Le Commandatore avait justement forgé sa réputation sur ce caractère quasi inflexible et autoritaire. De l’égo… mais surtout du charisme. Enzo était souvent représenté comme quelqu’un d’intransigeant, rigide, perfectionniste… la légende de la marque est d’abord passée par celle de l’homme et l’histoire de Ferrari s’est construite à partir de celle d’Enzo.

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Il ne voyait ses voitures qu’à travers le sport auto. Et le sport auto, ça coutait cher. Au fil du temps, on a fini par lui faire accepter que pour financer la compet’ fallait quand même vendre des voitures, et pas seulement pour les voir courir le dimanche. Les circuits oui, mais la route aussi. Si ce n’est qu’une Ferrari doit rester une Ferrari… donc hors de question de proposer une sportive voire une GT au rabais.

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Malgré tout, Ferrari va savoir évoluer, changer et s’adapter aux demandes… même si pour certaines, il faudra le temps de persuader le Commendatore. C’est ainsi qu’à partir de 1960, la gamme va voir débarquer la famille des 2+2, inaugurées par la 250 GTE… oui, avec une banquette arrière. Trois ans plus tard, c’est le moteur qui passe à l’arrière avec la 250 LM. Mais c’était une fois encore, d’abord pour la course. Pour la route, ce sont les Dino qui vont ouvrir la voie. Et quand Maranello va tenter d’associer le 2+2 et le V8 central arrière, cette fois encore ce sera sous le nom de Dino… et même avec un dessin signé Bertone au lieu de Pininfarina. A croire que chez Ferrari on avait honte de cette nouveauté… à moins qu’Enzo ne leur avait laissé une alternative dont lui seul avait le secret, du style soit ça passait, soit ils étaient virés ! Dino était donc le cobaye tout trouvé pour tester la popularité de la voiture et accessoirement garder son job !

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Et il allait être là le challenge… coller une banquette et le moteur derrière le pilote. Une architecture pas forcément la plus logique qu’il soit. Et pourtant la Dino 308 GT4 malgré son accueil controversé, allait montrer qu’elle était bien née. Aussi sportive qu’efficace, elle finissait par trouver sa place et même par gagner sa légitimité en adoptant le patronyme de Ferrari pendant que le cheval cabré fleurissait sur son capot et ses ailes avant.

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Avec un peu plus de 2800 308 GT4 vendues, Ferrari allait valider l’essai et se dire que si le dessin avait été signé Pininfarina, elle aurait pu faire mieux. Ce fut donc le cas pour celle qui allait la remplacer en 1980, la Ferrari Mondial 8. Sachant qu’entre temps, Enzo avait refusé l’idée d’une Ferrari 4 portes dérivée du concept Pinin dessiné, comme son nom l’indique, par Pininfarina. Puis pour ceux qui voulaient 4 places et un V12, ils pouvaient se contenter de la 400i.

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Il n’empêche qu’avec la Mondial 8, une fois de plus, les tifosi allaient crier au scandale. Pourtant, le designer italien a plutôt bien réussi son coup. La Mondial 8 est séduisante et affutée. Le lien de famille est indéniable. Alors effectivement, l’empattement long dénature un peu le profil en lui faisant perdre un chouill’ de grâce. Mais l’équilibre est là. La Mondial 8 repose sur un châssis repris de la GT4 et composé de treillis tubulaires amovibles dont un faisant office de berceau pour le V8, la boite et les trains roulants arrière afin de pouvoir intervenir plus facilement et ainsi, en théorie, réduire les couts d’intervention. Tout est renforcé par des tôles extrudées pour assurer la rigidité et réduire le poids. Les quatre roues indépendantes sont maintenues par des bras oscillants avec ressorts, amortos Koni et barres stab’. Le freinage est suffisant… performant et endurant. La Mondial sait se montrer sportive… même si son comportement est vif, très vif… même trop vif diront certains. Le train arrière est délicat et s’avère très nerveux à l’approche de la limite. Amateurs déconseillés…

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Finalement, heureusement qu’elle n’accuse « que » 214 ch… en pleine crise pétrolière, le V8 2.9 l repris de la 308, est castré par son injection Bosch K-Jetronic. Chez Ferrari on préférait les carbus… mais les contraintes de l’homologation américaines, le marché le plus important pour Ferrari, allaient en décider autrement. Il faudra attendre l’arrivée de la QV (Quattrovalvole) et de sa culasse 32 soupapes pour voir le V8 passer à 240 ch. De son côté, le châssis n’évolue pas… Mais en 83, histoire d’essayer de relancer les ventes (seulement 703 Mondial 8 vendues entre 80 et 82), la Mondial QV voit arriver un cabriolet.

J’vous en ai retrouvé un, un cab’ de 84 habillé en Rosso Corsa. Faut avouer que l’ablation du toit lui va bien… de quoi fluidifier les lignes du coupé. Puis vue que la Mondial essayait de tuer ses passagers dès que ça commençait à aller vite, autant cruiser le coude à la portière, cheveux au vent tout en profitant du chant du V8 en dolby, vautré dans le cuir Connolly. Elle est chaussée en Enkei de 18″ pour remplacer les Cromodora d’origine et leurs TRX. Seule modification, je rassure les puristes…

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Pour en revenir à la Mondial QV, les ventes allaient redonner des couleurs à Maranello… sans pour autant exploser les records. Après 1145 coupé et 629 cabriolets (dont le marché US absorbera 80% de la prod’), en 85, Ferrari fait évoluer une nouvelle fois sa Mondial, aussi bien esthétiquement que mécaniquement et enfin techniquement. Le V8 passe à 3.2 l et gagne 30 ch. Les perfs sont enfin dignes d’une sportive de son pedigree. Le châssis aussi… En 89, avec la Mondial T, Ferrari tire enfin son bouquet final. Passé en 3.4 l le V8 affiche maintenant 300 ch mais surtout, il adopte une architecture transversale et non plus longitudinale (d’où le T).

Au final, les ventes de la Mondial n’auront jamais atteint les attentes de Ferrari. Pourtant, en 13 années de carrière, tous modèles confondus, elle aura séduit un peu plus de 6100 clients. C’est pas mal, mais pas suffisant pour sauver le concept du coupé 2+2 à moteur central arrière qui disparaitra de Maranello avec elle.

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