‘Savez quoi ? A force de vous chercher des caisses qui sortent un peu de l’ordinaire, on en finit par oublier les fondamentaux, en l’occurence la Ferrari 288 GTO. Ah si vous pouvez chercher. J’ai parlé de l’Evoluzione et de celle qui est allée taquiner les 440 km/h à Bonneville, mais jamais de la Stradale, celle qui sert pour aller chercher les croissants le dimanche matin…

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De la course à la route

Pendant des décennies, c’est le sport auto qui a façonné les Ferrari. Puis quand il a fallu développer un gamme « civile » (fallait bien financer les jouets d’Enzo) c’est une fois de plus la course auto qui allait servir d’inspiration. Aujourd’hui chez Ferrari, ça fonctionne encore comme ça… si ce n’est que le coté historique et l’ADN de la course, il sert surtout enfanter des séries limitées vendues à des prix délirants. Le marketing est passé par là… même s’il faut reconnaitre qu’il donne naissance à des engins aussi rares qu’envoutants. Quoiqu’il en soit, chez Ferrari, la course auto a toujours été à la base dans la gamme de Maranello. Tout part de là… et les technologies qui font courir le cheval cabré les week-ends se retrouvent forcément sur celles qui se vendent la semaine avec, tout en haut de la hiérarchie, les GTO.

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Gran Turismo Omologata

En 62, la Ferrari 250 GTO (Gran Turismo Omologata) devient le lien entre la route et la course auto. 36 voitures produites entre 62 et 64, 36 extrapolations du règlement GT puisque pour courir il en fallait quand même100… si ce n’est que Maranello a affirmé que la 250 GTO n’était qu’une évolution de la 250 GT SWB. Bien sûr, elle était plus que ça. Mais le Commendatore jouait de son influence, allant jusqu’à menacer de quitter la discipline dès que les instances devenaient trop insistantes… ça passera et la 250 GTO allait marquer les esprits avant de devenir une de ces autos qu’on finit par chérir comme une oeuvre d’art.

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Gr.B

Mais voilà, depuis 64, les années allaient défiler pendant qu’en endurance, les GT s’effaçaient au profit des protos et de la F1. Un peu trop au gout d’Enzo qui voulait que ses voitures de production aient un lien avec le sport auto. Ainsi en 82, quand le Gr.B vient remplacer les Gr.4 et Gr.5 avec en guise de ticket d’entrée une production de 200 exemplaires, Ferrari y voit une belle opportunité de combler le vide aussi bien en rallye qu’en circuit.

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308 GTB sous hormones

La base, ce sera la 308 GTB. L’occasion surtout de pouvoir développer la voiture rapidement tout en limitant les couts en évitant de partir d’une feuille blanche. En tout cas sur le papier, car la Ferrari 288 GTO sera bien un modèle spécifique. Esthétiquement, Pininfarina va reprendre les traits de la berlinette et la rendre plus musclée. Les deux se ressemblent presque… de  loin, mais on constate vite l’étendue du boulot. Les ailes sont larges, le cul en impose et l’avant s’est virilisé. Plus longue, plus large, donc plus lourde ? Eh bien non, elle affiche même un poids 10% inférieur à celui de la 308. Une prouesse qu’on doit à l’emploi de carbone, kevlar et de nomex. Au début des 80’s, c’est du jamais vu sur une voiture de route, hypersportive soit elle.

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Chercher les détails

L’habitacle est lui aussi dans l’esprit de la 308. Et bien plus que tout le reste. Mais, une paire de baquets aérés (comme dans la Daytona), un tableau de bord recouvert de velours noir, quelques manos, des compteurs spécifiques et on se rend compte que la 308 n’en est plus une.

Calcul mental

Si pendant des années le nom des Ferrari faisaient référence à leur cylindrée unitaire, la codification allait changer avec la 246… 2.4 l pour un 6 cylindres puis reprise sur la 308 (3.0 l pour un V8). Du coup la nouvelle GTO sera officieusement une 288 (V8 de 2.8 l… mais vous aviez compris). En effet, la cylindrée du V8 est légèrement revue à la baisse pour répondre au règlement. Dopé par deux turbos, il est affublé d’un coefficient de 1,4 par rapport à un moteur atmo. Ainsi, 2,8 x 1,4 = 3,92… c’est à dire que ce 2.8 l biturbo équivaut à un 3.9 l atmo soit en dessous de la cylindrée maxi imposée de 4.0 l.

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V8 Biturbo

Ce V8 2.8 l dopé par deux escargots IHI (une première chez Ferrari) est équipé d’une culasse 32 soupapes. Contrairement à la 308 et afin d’optimiser la répartition des masses, il n’est plus transversal mais longitudinal. Il envoie 400 ch (à 7000 trs) et 496 Nm de couple aux roues arrière via une boite 5 manuelle. Et comme la Ferrari 288 GTO affiche seulement 1200 kg, autant vous dire que quand ça souffle, ça n’fait pas semblant. Bien sûr, c’est du ON-OFF. En dessous de 4500, tu vas chercher le gamin à l’école. Au dessus, tu poutres tout ce que tu croises et l’gamin, il vomit son 4 heures ! Sachant que la bestiole revendique le 0 à 100 en moins de 5 secondes, le 400 m en 13 et le kilomètre en 22,7 avant de filer à 305 (annoncé… mais aucune 288 GTO ne dépassera les 296).

Sans filtre

Ca pousse, mais ça tient aussi. Le châssis tubulaire de la 308 voyait ses liaisons revues et renforcées avec une suspension spécifique signée Koni avant d’être posé sur des jantes Speedline deux parties à écrou central en 16″ chaussées de gommes en 225 et 265. Il faut savoir que malgré tout, la Ferrari 288 GTO avoue une efficacité diabolique. Une fois le décalage horaire entre le pied droit et la poussée des turbos anticipé, elle fait preuve d’une poussée d’une rare violence… mais le grip est là. Bien sûr, si on la cherche, on la trouve. Mais elle reste un engin diabolique d’efficacité et de sensations, du moins pour celui qui possède des notions de pilotage… m’enfin c’était le minimum syndical à une époque où l’électronique ne venait pas transformer Ribéry en Loeb… du moins en apparence. Ce genre d’engin, ça se méritait.

Evoluzione mort née

Quoiqu’il en soit en 84, elle entrait en production aux côtés d’une autre légende de la marque, la Testarossa. GTO et Testarossa, inutile de vous dire que Ferrari jouait gros cette année là. Jusqu’en 87, ce seront 272 Ferrari 288 GTO qui sortiront de Maranello. Il n’empêche qu’une fois homologuée, la 288 GTO allait devenir Evoluzione. C’est sur ces ailes qu’allait reposer tous les espoirs sportifs de la marque. Si ce n’est que le temps d’assembler les protos, de finir le développement et de valider la mise en production des modèles de course, le Gr.B avait été banni ! Bim, un coup pour rien… la 288 GTO n’aura pas l’occasion d’aller chercher le palmarès de son illustre ainée. Finalement, elle gagnera son salut avec le temps, en devenant la première supercar de Maranello mais surtout, en servant d’inspiration à une autre légende rouge, la F40… mais ceci est une autre histoire.

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© RM Sotheby’s via Karissa Hosek