C’te Jaguar Type E, appelée Egal (à ne pas confondre avec Eagle), c’est un monstre ! Détruite par la course, elle va renaitre pour y retourner… métamorphosée en missile. A tel point qu’elle va même effrayer son géniteur qui préfèrera recruter un pilote plutôt que d’en prendre le volant ! Allez, v’nez, je vous raconte…

'64 Jaguar Type E + V8 427 ci... Egal, la plus méchante de toutes ! 1

Des Type E violentes, je vous en ai présentées à toutes les sauces… de la Lightweight à la Low Drag pour les plus consensuelles. Parce que si j’adore la Type E, j’aime bien aussi m’amuser avec les puristes… c’est pourquoi, je vous ai aussi présenté une version signée Chip Foose, une restomodée, un rat rod, et une ribambelle de swapées, à coup de V8 BMW, de rotatif Wenkel, d’un 6 en ligne turbalisé 1JZ… même Rémi s’y est mis avec une Type E armée d’un V8 302 ci Ford ! Bon, maintenant que les liens internes sont placés, on peut continuer…

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Parce que la « I Taïpe » qui débarque elle est aussi sympa que son histoire… qui comme souvent, démarre avec une rencontre, celle de Rob Beck et Geoff Richardson, deux pilotes connus et reconnus qui vont décider à la fin des 50’s, de monter leur propre écurie. Chacun va trouver sa place… Rob est plus doué derrière un volant pendant que Geoff, qui n’est pas un manche non plus, préfère largement manier la clé de 12 et s’affairer sur la table à dessin. C’est d’ailleurs lui qui va être à l’origine d’une des XK120 les plus rapides de son époque puisqu’il avait réussi à doper le roadster anglais à 308 ch pour 990 kg, et qu’il avait bouclé à son volant, un tour du tracé court de Silverstone en 1 minute et 8 secondes… un exploit au début des 60’s.

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Sauf qu’en 64, à force de taper dans la XK, la pauvre a fini par donner tout ce qu’elle pouvait avant de commencer à être dépassée… il n’y a plus grand chose à en tirer. Il leur faut trouver un autre cobaye, plus moderne afin de refaire la même. Et ça tombe plutôt bien puisque depuis 62, Rob a fait quelques courses au volant d’une Type E cab’ Hard Top allégée au volant de laquelle il s’était crashé à Castle Comb. La voiture a besoin d’une remise en état… et d’un nouveau moteur.

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Pour trouver ce nouveau moteur, le duo ne va pas avoir besoin de chercher trop longtemps. Rob vient juste de s’acheter un V8 Ford, le 427 ci piqué à une Galaxie de 63, qu’il avait prévu de monter sur un bateau ! Et comble du hasard, il s’avère que le 7.0 l de Détroit n’est pas plus lourd que le XK de 3.8 l anglais…

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Bien entendu, pour greffer un V8 de 7.0 l sous le long capot de la Type E, il est nécessaire d’être doté d’autant de talent en mécanique qu’en gynécologie ! Mais là aussi, deux ans auparavant, Geoff avait déjà opéré sur une Formule Junior en lui collant un V8 de 3.5 l emprunté à une Buick. C’est ainsi qu’il va reprendre la structure du train avant de la Type E pour l’adapter aux normes de ce nouveau locataire. En y étant il va le rabaisser au max afin de placer le centre de gravité le plus proche du bitume, et en profite pour revoir la suspension, y rajouter des barres de torsion et un arceau. Geoff décide de conserver la boite Jaguar, réputée pour sa fiabilité. Il l’adapte et l’accompagne d’un embrayage Borg & Beck destiné à la base à l’AC Cobra.

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L’Egal vient de voir le jour. Type E + V8 Galaxie… E… Gal… Egal. Je reconnais que si tu le sais pas, c’est pas évident de faire le rapprochement. Il n’empêche que sur le banc, la voiture va sortir 475 ch et 677 Nm…! Sur la balance, l’aiguille se cale sur 1200 kg. Pour rappel, on est en 64…

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Après les premiers tests, Rob et Geoff sont ravis par le comportement de la voiture… sauf que comme ils s’en doutaient, le bloc chauffe vite et trop. La voiture retourne à l’atelier. Le capot, qui avait dû être bombé pour accueillir le V8 et son carbu Holley, reçoit maintenant trois prises d’air à l’image de celles d’une Ferrari 250 GTO. Le radiateur est remplacé par un modèle bien plus copieux. Enfin histoire de… Geoff découpe, de part et d’autre de la « bouche » de l’anglaise, des écopes pour refroidir les freins qui se cachent encore derrière des jantes à rayons Borrani. Laissés d’origine, ils ne sont pas forcément réputés pour leur robustesse… la voiture n’est pas beaucoup plus lourde, mais les vitesses atteintes n’ont plus rien à voir. Enfin, ils verront bien…! L’Egal et maintenant prête pour passer aux choses sérieuses.

Nous sommes au milieu de l’été 64 pour la réunion du Nottingham Sports Car Club sur le circuit du Silverstone Club. Au volant de la Type E, Rob va remporter les deux courses dont ils prendront le départ. Les saisons s’enchainent, les victoires aussi. La Type E tourne autour de ses concurrentes. Mais à la fin de la saison 66, ce qui devait arriver arriva. Lancé à 250 en bout de ligne droite, les freins vont déclarer forfait au moment où Rob va avoir besoin d’eux. Il tire droit, part dans une série de tête-à-queue avant de se retrouver enfin à l’arrêt, mais au beau milieu de la piste, alors que le peloton arrive sur lui, lancé comme un groupe de missiles. Miraculeusement, tous vont l’éviter. Rob vient de s’offrir la frayeur de sa vie…. et surement de flinguer sa combi’ et le fond de son baquet !

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La Jag’ rejoint l’atelier pour être aussitôt équipée du même freinage que ses jumelles qui courent aux 24h du Mans. Sauf que Rob vient de décider qu’il serait plus bénéfique pour son espérance de vie, d’assister dorénavant aux courses depuis les stands plutôt que derrière le volant du monstre qui a essayé de le tuer. Cherchant un pilote de talent… et un peu kamikaze sur les bords, ils vont se rapprocher de Barrie « Whizzo » Williams qui a commencé a carrière en rallye avant de débarquer sur circuit. Sans volant, il vient juste de tourner le dos à la Formule 3. Et quand Geoff l’appelle pour lui demander s’il aimerait piloter l’Egal, Barrie lui répond : « Je conduirai n’importe quoi ».

Quelques jours plus tard, il lui confie les clés de la Type E pour qu’il roule avec le temps d’un week-end… mais sur la route, pour aller chercher le pain, ou mener son chien Tom en balade. Ca se passait comme ça en 67 ! Il n’empêche que Barrie va de suite prendre la mesure du monstre qu’il a entre les mains. Et c’est tout excité que quelques semaines plus tard, il se présente à son bord au départ d’une course sprint sur l’aérodrome de Long Marston. Sur la première ligne, il se retrouve à côté de la GT40 pilotée par Malcolm Gartland.

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Rob ne peut s’empêcher de lui donner un conseil… « Au feu vert, tu cherches d’abord le grip en te calant à 2000 trs et en lâchant doucement l’embrayage et une fois que les gommes mordent l’asphalte, tu lâches tout ». Barrie va respecter la consigne… et au départ, il s’élance en mode burn out, les pneus s’évaporant en fumée alors que le cul de l’anglaise se met à danser la samba ! Barrie reprend le contrôle et file dans le sillage de la GT40. Ca fait le show, mais ça ne va pas plaire aux commissaires qui vont le convoquer à l’arrivée de la course. De retour dans les stands, Rob vient aussitôt s’excuser… il s’est trompé… il voulait dire 1000 trs au lieu de 2000 !

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Quoiqu’il en soit, une fois le mode d’emploi assimilé, Barrie va devenir un serial winner au volant de l’Egal, remportant même plusieurs courses dans différentes séries sur un même week-end ! Mais bien entendu, au fil des saisons, les petites nouvelles vont égaler les perfs de la Jag’ pour finir par la dépasser. Bridée par sa boite et les Borrani ne permettant pas d’y coller des freins plus gros, elle va finir par être vendue à un autre team qui la fera courir en Ecosse. C’est là qu’elle va recevoir les larges jantes alu JA Pearce et les extensions d’ailes arrière. Il n’empêche qu’à la fin de l’année 70, elle est rachetée par un collectionneur américain qui en a fait son daily. Il y a quelques années, elle a été entièrement restaurée, a reçu des jantes encore plus larges et a vu son V8 boosté à 8.5 l pour 650 ch et 820 Nm… mettant ainsi en péril la survie de la boite dont le remplacement est prévu dans les mois à venir. En attendant, cet été, elle reposait ses roues sur sa terre natale afin de faire le show au Festival Of Speed de Goodwood…

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© Rob Cooper