Même si j’ai du mal avec les caisses modernes, je ne suis quand même pas débile au point de ne pas succomber à une belle fiche technique comme celle du dernier Mercedes Coupé E 53 AMG. Boite 9 en mode kalash’, 4 roues motrices et V6 3.0 l turbo pour plus de 430 ch et 520 Nm. Ah, voilà qui s’annonce sympathique…
Au sein de la gamme Mercedes, AMG était une famille à part. Conception, développement, moteurs… les étoiles sportives étaient au petit soin. On n’mélangeait pas les torchons et les serviettes. Oui, je cause a passé, car depuis un petit moment, on a les vraies AMG et les fausses AMG… c’est comme le bon et le mauvais chasseur.
En fait, la véritable histoire d’amour entre le constructeur et le préparateur a commencé en 88. Car si AMG trafiquotait déjà les berlines étoilées avant, c’est à partir de la fin des 80’s que la préparation n’est plus devenue tabou, ou du moins plus vue d’un mauvais oeil. Mais attention, avant d’aller taper dans l’fond, ils ont commencé par faire connaissance.
Rappelez vous, après l’accident de Pierre Levegh au Mans en 55, au volant d’une 300 SLR, la marque allemande décide de se retirer du sport auto. Ok, sauf qu’à la fin des 70’s l’étoile se coltine quand même une image qui sent la couche Téna et la charentaise ! Pas de sport, pas de fun… Les Mercedes sont des voitures certes puissantes, mais plus destinés à préserver les rhumatismes plutôt qu’à les déclarer. Et justement, l’étt major a bien l’intention de changer les choses avec l’arrivée en 84 de la 190 2.3 16s dont le 4 cylindres est signé Cosworth. Sauf que pour montrer le potentiel de la baby mercos excitée, il faut lui faire faire des tours de piste. Mais ça, c’est encore tabou à Stuttgart !
Alors chez Mercos, on va se la jouer malin… On commence par quelques records du monde de vitesse sur la piste de Nardo. Ca fait p’tit bras, mais les médias en parlent, c’est déjà ça. Puis en mai 84, Mercedes fournit vingt 190 2.3 16s légèrement modifiées pour la course inaugurale du tout nouveau circuit de F1 au Nurbûrgring. Derrière les volants, on retrouve Senna, Hunt, Lauda, Surtees, Hill… bref, l’élite du sport auto. Enfin en 85, la baby Mercedes va aller se frotter au DPM, le Deutsche Productions Meisterschaft, une sous catégorie du DRM, basée sur la règlementation du Gr.A et qui sera rebaptisé DTM en 86. Hola, un retour en sport auto ? Eh bien non, histoire de ne pas bafouer sa promesse, Mercedes va fournir des voitures (et surement quelques ingénieurs avec) à des teams privés. L’étoile revient en piste, mais pas Mercedes… Vous comprenez ? Et c’est là qu’on en arrive à AMG… puisque parmi ces partenaires sportifs, le préparateur va sortir du lot, et devenir à partir de 88, le team officiel officieux pour le GT et le touring car.
L’histoire d’amour ne fait que commencer puisqu’à partir de 90, AMG devient le blason sportif de Mercedes, à l’image de M Motorsport chez BMW ou RS chez Audi. En 93, cette union donne naissance à la C 36 AMG, étoile filante développée et assemblée par les ingénieurs d’AMG. Les modèles vont s’enchainer, C 43, E 50, E 55, la gamme se développe, les ventes progressent… et en 99, en rachetant 51% des parts, Mercedes prend le contrôle d’AMG et commercialise dans la foulée… la C 30 Cdi AMG ! Oui, un mazout après la nuit de noce… va comprendre Charles !
Si les Mercedes AMG représentaient le firmament d’une gamme, elle allait devenir une finition. Le client pouvait désormais cocher la case « Pack AMG » lors de l’achat de sa C 220 Cdi ou CLK 270 Cdi. De quoi flatter l’égo du client qui pouvait se la péter en faisant comme si… Bon, ça gâchait un peu l’image, mais auprès des kékés en manque de personnalité, ça le faisait bien. Du coup, on entrait dans l’ère des vraies et fausses AMG (un logo ne fait pas le nom non ?!), où, pour les reconnaitre, il fallait soit lever le capot, soit lever l’oreille, soit essayer de la suivre sur la file de gauche de l’autobahn (oui, les vraies AMG, on les croise plus souvent sur les beaux boulevards que sur les circuits).
Et encore, depuis quelques années, les AMG se développent avec plusieurs motorisations dans la même gamme. A 35 AMG et A 43 AMG… ou comme le monstre noir qui défile sous vos yeux, E 53 AMG et E 63 AMG. La question est simple… est ce une AMG au rabais ?
En tout cas, pour le coupé, non. Ce 53 AMG, c’est le top de la gamme car, contrairement à la berline, il n’a pas le droit au V8 biturbo et à ses 563 ch. En soulevant le capot on tombe sur… un cache en plastique. A croire que le 6 en ligne 3.0l joue au timide. Pourtant, il se fait souffler dans les bronches par un turbo, mais aussi un compresseur additionnel électrique pour lui faire cracher 435 ch et 520 Nm de couple. Et si ça ne suffisait pas, un EQ Boost, une microhybridation électrique (inspirée du Kers de la F1) qui vient apporter un bonus de 22 ch et 250 Nm pour aider aux relances et éviter de taper dans le réservoir. Ajoutez y un boite 9 (oui 9 rapports !) avec commande au volant et la transmission intégrale, le tout appelé Speedshift 4Matic +, et vous obtiendrez un gros bébé de 2 tonnes, capable de poutrer le 0 à 100 en 4,3 secondes et taper le 400m en moins de 13 secondes !
Le look est là. Gueule de pas contente, jantes en 20′, double bossage sur le capot, petit baquet discret. On ne joue pas dans l’ostentatoire. C’est sobre, mais ça fait le job. Les mâchoires à l’avant vous rassurent… celles de derrière vous font dire que Mercedes a écouler un vieux stock ! Ca fait moyen sur une caisse à presque 100.000 boules. Tout comme les fausses prises d’air nichées dans le pare-choc arrière…
Dedans, on se réconcilie… Cuir Nappa et carbone vous tendent les fibres ! Le design est travaillé, pensé, ça flatte l’oeil. L’équipement est délirant… il faudrait un bouquin pour tout détailler. En attendant, les écrans LCD vous font face… Mon Dieu ! C’est beau, mais moi ça m’effraie. Toute cette technologie qui vous saute au visage… une fois l’admiration passée, on remet les pieds sur terre. Honnêtement, le jour où ça va s’mettre à déconner ou à ne plus marcher, mieux vaut la faire à la marseillaise en prévoyant 10 l d’essence et une allumette ! Extension de garantie et contrat d’entretien en acier blindé obligatoire. ‘Fin bon, là c’est encore neuf, laissons lui le bénéfice du doute pendant une bonne quinzaine d’années (ça devrait tenir), et croisons les doigts pour que d’ici là, ça devienne plus accessible.
Quoiqu’il en soit, dehors, dedans et sur le papier, on est bien face à une AMG. Et une fois qu’on appuie sur le démarreur, qu’on laisse bien les fluides arriver à température, et qu’on commence à souder, eh bien là aussi. Comme dirait Etienne, ça pousse. Et quand tu enlèves les différents filtres, ça claque et ça pète du pot… comme pendant la fête de la bière. Sauf que là, c’est fun. Les palettes enchainent les rapports en mode Kalash’ les pneus mordent l’asphalte, l’électronique, même mise sur OFF, veille au grain. C’est scotché, affuté, et on oublie facilement la masse de l’engin. Tu passes très vite, très fort… l’euphorie est là, les kilomètres s’enchainent puis… le charme s’efface doucement.
Mes poils se rappellent encore des déhanchements de la C 63 AMG, de ceux du coupé C 63S, des uppercuts du AMG GT, ou de la charge du E 55. Le coupé E 53 n’a pas grand chose à leur envier, en ligne droite… et justement, ça s’arrête là. Ca pousse et ça pète, dans le cuir et la technologie… mais basta. Une fois l’euphorie de la découverte passée, ben on se fait un peu chier. Ca manque d’âme, d’esprit, de caractère, de vie. Peut être trop parfait !
Soyons clairs, si vous êtes ferrés, genre chef d’entreprise adepte de longs trajets, sans pour autant vous trainer, tout en misant sur une caisse classe mais discrète, avec c’qu’il faut sous le pied droit, elle est parfaite. Le samedi matin, vous embarquez madame et Kiki le caniche pour un week end sur la riviera. Dans le jeu de l’aller – retour Lyon, Cannes, elle est divine. Pour le fun et les sensations, c’est à la sortie de l’échappement que ça se passe. Mieux vaut que vous soyez gripeur que drifteur, comme Peter d’United Driver qui m’accompagnait ce jour là. En véritable fan des caisses étoilées, et drifteur sur une CLK 200K, il est resté, lui aussi, sur sa faim.
Bon, cet esprit plus GT que pure sportive, y’en a qui aiment… et beaucoup même puisque ce feeling qui était l’apanage des Audi S et RS (très efficaces et performantes, mais peu spectaculaires), est devenu également celui de certaines BMW M et d’une partie de la gamme AMG. En même temps, ce genre de caisse a atteint un tel niveau de perfs, que les rendre trop caractérielles effraierait surement 80% des clients potentiels qui veulent des missiles, mais surtout accessibles et polyvalents plutôt que de l’attaque No limit.
Alors au final ? Notre avis ne vaut pas bezef ! Mettez un drifteur et un vieux con coincé dans l’passé dans ce genre de caisse et vous n’serez pas étonnés de lire que ce n’est pas vraiment notre came. Elle ne m’a pas vraiment réconcilié avec les modernes, même si je reconnais logiquement que pour enchainer les kilomètres, elle est parfaite. La conclusion la plus logique, on l’a eu avec Peter à l’heure du sandwich (à croire que l’appétit nous rend philosophes)… La E 53 AMG EQ Boost 4Matic + pour la semaine et à côté, tu te prends une 190 2.5 16 pour le fun. Alors, elle est pas bonne l’idée ?
© Ti Ti & Lacharrette 1807
Tout à fait d’accord avec ce que vous dites. J’irai plus loin sur l’asepsie en incluant toutes les autos modernes. Plus elles sont récentes moins elles sont funs, coté sécurité prime sur le reste et finira surement par nous enlever les manettes définitivement.