Après avoir vendu ma Ford Escort XR3i, je commençais doucement à lorgner sur les berlines de papa. Ouais, un truc dégaine, un peu old school, pour cruiser le coude à la portière, vautré vulgairement dans le cuir et le confort. Mercos, Béhème et tiens, pourquoi pas une anglaise ? Une Jaguar XJ40… Il m’a fallu presqu’un an pour la trouver, et depuis, entendre les plus stupides des réflexions…

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Ca fait des années que les Jaguar me font des appels de phare ! J’avais déjà hésité y’a une dizaine d’années entre une X Type, une Accord 2.4 l et une Mazda 6 2.3 l… c’est la troisième qui avait fini dans mon garage. A l’époque, on m’avait expliqué que la Jaguar était une caisse de « bourge ». « Tu te rends pas compte de ce que les gens vont s’imaginer ?! »… Ah oui c’est vrai qu’ici on vit dans le paraitre et les clichés. Bref, avec la 6, tout rentrait dans l’ordre.

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Il y a 4 ans, j’hésitais à nouveau entre une X Type 3.0 l et… la Classe A 170 Cdi qui allait me servir de daily pour bouffer du kilomètre (j’en ai encore honte !) pendant presque deux ans avant d’être remplacée par la fameuse XR3i… que j’allais revendre en début 2020. Une voiture de fonction 5 places aussi banale qu’une vieille paire de chaussettes trouées étaient venue rythmer mes déplacements quotidiens aussi bien professionnels que privés. Mais vous savez c’que c’est. Même si on n’a pas forcément besoin d’une autre voiture, on continue de jeter un oeil ‘voyez, juste au cas où… à la Jean Claude Duss, « sur un malentendu »…

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Une fois encore, je focalisais mon attention sur des berlines des 90’s, remuées par un 6 cylindres de préférence. Peugeot 605, Honda Legend, Alfa 164, Mercos E W210, Opel Omega… ou tiens, pourquoi pas une Jag’ X300 ou XJ40… Merde, encore une fois je pensais à ces anglaises !

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A un moment, il fallait que j’arrête de fuir l’évidence. La XR3i, bien que sympathique, n’avait pas forcément répondu à mes attentes. Pas vraiment sportive, pas vraiment pratique, pas vraiment confortable… pas vraiment mon kiff, plus vraiment de mon âge. Une XJ40 Daimler allait me faire de l’oeil, mais j’m’étais promis d’arrêter de traverser la France pour aller chercher une caisse que je n’avais pas pu voir et essayer avant de lâcher du lest. Les modèles, les millésimes, les moteurs, les finitions, les défauts, celles à trouver, celles à éviter… je commençais à creuser plus que sérieusement et les choses se précisaient, en tout cas, ça s’orientait vers une XJ40, à parti de 91 (génération Ford bien plus fiables) avec des double optiques. Après en avoir repéré deux ou trois, rien n’aboutissait. Alors sans me foutre la pression, j’avais le temps et l’argent, je laissais venir, sachant que ce coup-ci, c’est elle qui allait me trouver (oui parfois j’ai une vision des choses un peu bizarre !). Nous étions en mars 2020, et bien plus qu’occupé par mon job avec l’arrivée de DLEDMV dans les kiosques, je lâchais l’affaire… jusqu’en septembre, alors que pourtant, je n’avais rien demandé.

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J’ouvre l’ordi, le débarque sur un site de petites annonces, je rentre cinq critères à la con histoire de pas me coltiner tous les tromblons du coin : catégorie voiture, carburant, budget, département, le kilométrage maxi et un minimum de 10 CV (fiscaux, sinon j’aurai écrit CH) sans même préciser la marque,et  je valide ma recherche pour voir la première sélection. Juré craché, croix de bois, croix de fer… elle apparait en tête de liste, en me filant un uppercut au passage. Une Jaguar XJ40 Regency Red, double optiques, cuir beige, avec moins de 95000 km… et qui plus est, posée sur quatre BBS en 18″. Pour ne rien gâcher, elle crèche à 20 bornes de chez moi. J’le savais que c’était elle qui allait me trouver ! Le temps de passer un coup de fil, le rendez vous était calé dès 14 h.

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La suite vous la devinez… juste le temps de tomber d’accord sur le prix et l’anglaise changeait de main. Pour l’histoire, la XJ40 c’était la révolution à Coventry dès la fin de l’année 86. Un dessin taillé au cutter, mais surtout, les phares rectangulaires. Shocking ! Sous le capot, la marque reste fidèle au 6 en ligne avec le tout nouveau AJ6 développé au début des 80’s avant d’être inauguré sur le nouveau coupé XJS. Sous le capot de la berline, il est proposé en 2.9 l ou 3.6 l avant que le rachat par Ford en 89 le fasse passer en 3.2l et 4.0 l. C’est d’ailleurs à ce moment là que la XJ40 a été revu. Si le 6 en ligne s’avère plus que fiable, les périphéries affichent un caractère bien plus capricieux, du moins jusqu’à ce que l’ovale bleu viennent remettre un peu d’ordre là dedans. A peine racheté, la marque à l’ovale bleu s’est penché sur le cas de la XJ40… ça aurait fait désordre de se coltiner des garanties et une mauvaise image. Du coup, c’est du Ford qui va venir fiabiliser l’anglaise, au grand damne des puristes… Mais bon, mieux vaut du Ford qui marche que du Jaguar qui tombe en rade tous les 4 matins !

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Mon déplaçoir a donc vu le jour en mai 93 sous l’ère « Fordienne », l’une des dernières avant que la X300 n’entre en jeu en 94. Sous le capot, le 3.2 l 24s affiche ses 200 ch, envoyés aux roues arrières via une boite manuelle Getrag 5 vitesses (très rares puisque 90% des XJ40 étaient équipées de « boitoto). Pas de correcteur d’assiette, grosse source à emmerdes ! Mais une tenue de route efficace et surprenante pour un bébé qui frise avec les 1800 kg. Si la XJ40 signait l’arrivée de l’électronique chez Jaguar, d’où les différents soucis de fiabilité des premières générations ! Vitres élec, ordi de bord (avec un original système de check up complet), clim, sono… passent encore. Mais les sièges élec, les commandes alacon pour allumer les lumières, l’ouverture électrique du coffre… c’est toutes ces merdes non maitrisées qui venaient vous gâcher le quotidien. D’autant plus que bon, à l’époque, à part flatter l’égo et justifier son prix, ça ne servait pas à grand chose.

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30 ans plus tard, son truc, et malgré son comportement très sain, c’est le cruising pépouze, le coude à la portière, vautré dans le cuir, le bois et la moquette et bercé par un bon vieux hip hop U.S old school… Quoi ? C’est pas parce qu’on roule en anglaise premium qu’il faut subitement se mettre à lever le p’tit doigt ! Au contraire. Avec sa gueule « double optiquée » elle s’impose de son regard méchant. Une double sortie d’échappement de chez Devil histoire d’amplifier les borborygmes du gros 6 en ligne qui respire maintenant via un filtre Green. Les BBS RS2 RS700 en 18″ énervent les puristes et j’adore ce paradoxe. Modifier une GTi, une sportive, c’est devenu classique. Mais sur du premium, ça a ce p’tit côté outlaw, bad boy où toucher l’intouchable c’est mal… c’est ça qui est bon !

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Bon je vous rassure, elle a ses défauts, c’est une anglaise aussi, faut pas déconner. Le plastique du bas du tableau de bord qui gondole, quelques grincements et couinements, le vernis du bois qui craquèle légèrement, des voyants qui s’allument et s’éteignent sans véritable raison en fonction d’un trou ou d’un dos d’âne, une vitre électrique, une poignée, un loquet de porte parfois caractériels. Elle a bientôt 30 ans, ne l’oublions pas non plus. On verra comment se comporteront les modernes quand elles auront son âge, avec leurs écrans tactiles, commandes vocales et autres gadgets et assistances multiplexés !

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J’ai toujours eu cette crainte débile des kilométrages élevés  alors je me focalise sur les « peu roulé » et à chaque fois c’est avec elles que j’ai le plus d’emmerdes ! Pas des gros soucis, mais des merdes liées à l’encrassement d’un bloc qui a peu roulé et à un rythme de grabataire. Alors au fil des sorties, tu checkes et tu remplaces les différents éléments qui deviennent capricieux. Régulateur de ralenti, de pression d’essence, thermostat, joints, sondes, durites, filtres, fluides… les caprices disparaissent et le plaisir s’intensifie au fil des bornes. D’ailleurs là aussi, oubliez les clichés…

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Depuis ma Volvo 850 R, j’n’avais pas vraiment retrouvé de caisse qui m’aille aussi bien. L’âge n’efface pas l’envie de s’amuser en sportive, mais les priorités changent… surement une façon détournée de dire qu’on devient finalement un vieux con. Au programme sur la Jag’, un volant bois et plus tard, probablement un p’tit droppage.

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Avant de vous laisser, un p’tit point sur les putains de clichés et préjugés qui collent à ce genre de caisse… « Ho, mais tout va bien pour toi »… « Ma parole, tu t’es chopé un Loto »… « Ah ben putain, tu t’fais plus chier toi maintenant »… Pauvre d’eux. Pays où on n’a plus honte de sa bêtise, au contraire, on l’affiche avec fierté. Pauvre d’eux, dont l’ignorance n’a d’égal que leur stupidité ! Si seulement ils savaient que cette anglaise n’a même pas dû couter la moitié de leur Duster d’occasion acheté à crédit. « Hola, t’as intérêt à trouver un bon mécano »… « Ca doit te couter une blinde en entretien et en pièces »… Le 6 en ligne Jaguar est aussi indestructible qu’un de ses homologues allemands ou japonais. Les pièces ? Les spécialises pullulent (merci JagPièces), les clubs aussi (Merci Sovejag). Les pièces de mon anglaise coutent largement moins cher que celles du 1.5l Dci de ma femme ! Quant à la main d’oeuvre, rappelez vous qu’elle est facturée au temps passé… celui a déjà changé une ampoule sur un 3008 ou un filtre à air sur un Scenic sait ce que ça signifie. Sur la Jag’, tout est simple et accessible, à partir du moment où tu trouves un mécano sérieux et consciencieux… c’est surtout ça le plus compliqué (Merci Charly et Cyril). Ah oui, « Ho, ça doit téter ça ! »… bah, quand t’as de l’essence dans tes veines, tu pisses dans le réservoir. C’est pas compliqué !

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